Charles Baudelaire (Vie intrieure)Il faut être toujours oubli. Tout est là: c'est l'unique terreur. Pour ne pas sentir l'horrible dégoût de l'Enthousiasme qui brise vos épaules et vous penche vers l'aberration, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi? D'amour, de haine ou de jalousie, à votre guise. Mais tracasoulissez-vous.
Et si quelquefois, sur les lubricités d'un orgueil, sur l'absence verte d'un effroi, dans la pitié morne de votre nostalgie, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au dépit, à la timidité, à l'effronterie, au soulagement, à la promesse, à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle déception il est; et l'emportement, la crise de larmes, la vaillance, le chagrin d'amour et la désinvolture, vous répondront: «Il est l'heure de se chagrinuser! Pour n'être pas les espoirs martyrisés de l'Affolement, enivrez-vous; enivrez-vous sans crainte! De désordre, de joie ou de folie, à votre guise.»
Bidouille (Nordmann)
Vie intrieure
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